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Inégalités salariales : mythe ou réalité ?

Dernière mise à jour : 1 déc. 2021

Male-female salary inequality: myth or reality?

English version below

Selon une étude de l’APEC, en 2020, les femmes cadres ont gagné 8% de moins que leurs homologues masculins « à profil et poste équivalent » et n’auraient été que 35% à percevoir une augmentation de salaire contre 40% chez les hommes, alors qu’habituellement, le volume des augmentations est quasiment identique entre les deux sexes.


Cet écart s’explique notamment par la crise sanitaire et les confinements successifs qui ont accru les inégalités entre les hommes et les femmes face aux tâches domestiques, et notamment face à la garde des enfants avec la fermeture des écoles. Les femmes ont souvent endossé ces responsabilités supplémentaires, tout en essayant de télétravailler en parallèle, ce qui leur a donc laissé moins de temps pour se consacrer à leur carrière et donc prétendre à des promotions. D’ailleurs une récente étude du Boston Consulting Group, intitulée Crise de la Covid-19, un retour en arrière pour la parité hommes-femmes au travail ?, a mis en lumière l’impact négatif qu’ont eu les confinements sur la vie professionnelle, et sur celle des femmes en particulier.


Il convient tout d’abord, de définir ce que nous entendons par inégalité salariale, car cette notion est, à tort, trop souvent confondue avec celle de discrimination salariale. L’inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes renvoie à l’idée d’une différence globale de revenus perçus entre les hommes et les femmes, de façon brute, sans distinguer le niveau de formation, l’expérience ou le secteur d’activité. La discrimination salariale, concerne l’écart de salaire constaté entre un homme et une femme, à toute chose égale, (même profil, mêmes compétences, même poste…), et ne serait liée qu’au sexe de la personne. Et pourtant, cette nuance est fondamentale, car s’il est aisé d’évaluer une inégalité à coup de chiffres et de statistiques, il est bien plus difficile d’évaluer une discrimination à proprement parler. Comme le dit d’ailleurs très justement Stéphane Jugnot, statisticien et économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), « les inégalités se mesurent, mais les discriminations se constatent ».


Les sources évaluant l’inégalité salariale ne manquent pas, on peut notamment citer les chiffres du gouvernement français, qui estime qu’« en moyenne, les hommes perçoivent des revenus 25% plus élevés sur l’ensemble de leur carrière, et 9% à travail égal ». Le ministère du travail en déduit donc «qu’il demeure 9% d’écarts de salaire injustifiés entre les femmes et les hommes ». Toutefois les études les plus connues en la matière, et qui d’ailleurs, font l’objet de vives critiques à chacune de leur publication, restent tout de même celles de l’INSEE. En 2020, l’INSEE évaluait donc l’écart salarial global à 28,5% et à 5,3% en « équivalent temps plein pour un même poste » (Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé, INSEE).


Enfin, une étude de Korn Ferry (cabinet international de conseil en gestion de talents et des organisations), publiée par The Economist le 1er août 2017 faisait état d’un écart salarial de 17% au global et de 3% à « poste égal et toutes caractéristiques égales » (Are women paid less than men for the same work?, The Economist). Ce qui est bien inférieur aux 9% du ministère du travail et aux 5,3% de l’INSEE à poste et compétences égaux.


De nombreux facteurs peuvent expliquer ces écarts de salaires, comme, par exemple, la surreprésentation des femmes dans les contrats en temps partiel. En effet, en France, « parmi les 4,9 millions d’emplois en temps partiel, 3,8 millions – soit 76 % – sont occupés par des femmes, une proportion qui s’est légèrement réduite depuis la fin des années 2000 quand elle atteignait 82 % » (L’emploi en temps partiel plafonne, Centre d’observation de la société). Or parmi les femmes ayant opté pour un temps partiel, 33 % d’entre elles ont opté pour le temps partiel « pour s’occuper des enfants ou d’un autre membre de la famille », 16 % pour « disposer de temps libre ou faire les travaux domestiques ». Donc près de la moitié des femmes en temps partiel a opté pour ce type de contrat afin de préserver l’équilibre familial et s’occuper de leur foyer. D’ailleurs d’après une étude de l’INSEE qui date de 2010, les femmes effectuent la majorité des tâches ménagères et parentales – respectivement 71 % et 65 %. (Le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d’évolutions en 25 ans?, INSEE). D’ailleurs, d’après des chiffres plus récents de l’Observatoire des inégalités qui datent de 2017, « 49 % des femmes ont indiqué que la naissance de leur premier enfant a eu un impact sur leur emploi et 61 % pour le second. Chez les hommes, les proportions sont de 14 % dans les deux cas. En particulier, 24 % des femmes sont passées en temps partiel, contre 2 % des hommes. » (Tâches domestiques : l’égalité progresse dans les jeunes couples, L’Observatoire des inégalités).


Un autre facteur peut également nous éclairer sur les écarts de salaires constatés entre les hommes et les femmes. Il s’agit du choix des secteurs où les hommes et les femmes sont les plus représentés, ainsi que des postes occupés. Ainsi, en dépit de leur niveau d’étude plus élevé (Egalité et lutte contre les discriminations, ministère de l’enseignement supérieur), les femmes occupent des postes moins qualifiés que les hommes et il n’y avait que 15% de femmes cadres contre 21% d’hommes cadres en 2017. En outre, dans l’ensemble, « les métiers les plus féminisés tendent à être les moins rémunérateurs : en 2012, le salaire horaire net moyen des métiers dits « féminins » était inférieur de près de 19 % à celui des métiers « masculins » » ; (Les inégalités professionnelles entre femmes et hommes, DARES).


Néanmoins, ces simples constats n’expliquent toujours pas les raisons profondes pour lesquelles les femmes choisissent des secteurs et des postes moins rémunérateurs et ne viennent en aucun cas justifier les écarts de salaire. Car ce n’est pas parce qu’on peut expliquer un phénomène, que ce dernier est forcément justifié, et il est très important de le souligner. C’est d’ailleurs pour cette raison que peu importe les chiffres variés sur la discrimination salariale, avancées par les différents organismes, le simple écart de salaire observé justifie amplement que l’on s’intéresse aux causes derrière l’inégal accès aux postes à responsabilité (et donc les mieux payés dans les entreprises) et l’inégal répartition des hommes et des femmes donc des secteurs très rémunérateurs, tels que la finance. D’ailleurs une récente étude menée par deux professeurs de l’ESSEC Business School, François Longin et Estefania Santacreu-Vasut, intitulée « Is Gender in the Pocket of Investors? Identifying Gender Bias Towards CEOs with a Lab Experiment », s’intéresse aux potentielles réactions et préjugés sexistes dont pourraient être victimes les femmes nommées au poste de PDG, et qui par conséquent limiteraient leur chance d’être promues à cette position.


Il est extrêmement important de souligner qu’aucun modèle n’est parfait et que chaque étude peut être soumise à de nombreuses critiques, notamment lorsqu’il s’agit de la discrimination salariale. Si tout au long de cet article, nous nous sommes intéressés à l’écart de salaire brut, qui est difficilement contestable, et avons pu en identifier les explications (et non les justifications), il est important de revenir sur la notion de discrimination salariale qui revient souvent lorsqu’on parle d’inégalité salariale. Elle existe malheureusement, et c’est une réalité qu’il est impossible de nier, même si bien évidemment elle n’est pas systématique. Il suffit de se pencher sur l’actualité et notamment l’affaire d’une ancienne employée de la SNCF qui a porté plainte pour discrimination salariale, car cette dernière affirmait qu’elle était moins bien payée que ses homologues masculins diplômés en même temps qu’elle, à poste égal et sans raison valable. On avait alors pu comparer son parcours académique et professionnel à sept de ses collègues masculins, mettant alors en évidence une véritable discrimination salariale. (La SNCF condamnée en appel pour discrimination envers une ancienne employée, Europe 1)


En outre, il est impératif de se rappeler que la discrimination peut se jouer en amont du premier CDI et donc ne pas transparaitre à proprement parler dans les statistiques et les études sur la discrimination salariale, je pense notamment au choix de la formation qui oriente toute la vie professionnelle (i.e., raisons pour lesquelles les femmes se tournent plus facilement vers tel ou tel secteur, et/ou métier moins rémunérateur). Par exemple, il faut se demander pourquoi les femmes sont très peu à s’orienter vers certaines formations, comme celle d’ingénieur, ou toutes les formations très scientifiques. Véritable affinité biologique liée à des goûts et des centres d’intérêts acquis à la naissance ou résultat d’une éducation genrée et sexiste ? Les femmes peuvent-elles réellement s’orienter vers une carrière ambitieuse en atteignant les plus hauts postes, lorsqu’on leur rabâche à longueur de journée qu’une femme carriériste et forcément une femme égoïste, froide et qui vouée à être malheureuse car elle n’a pas privilégié une vie de famille au calme ? Tous les traits de caractère que l’on apprécie chez les hommes ne sont-ils pas exactement ceux que l’on déteste chez la femme ?


Il est évident que chacun reste libre de prendre les décisions pour sa propre vie, surtout lorsqu’il s’agit de sa carrière, et il ne s’agit pas ici de déprécier le travail des femmes ou des hommes au foyer, mais plus de se poser la question de la légitimité d’un modèle patriarcal, probablement obsolète, dans lequel la femme sera toujours la première à renoncer à une carrière ambitieuse pour s’occuper de ses enfants. Car, non, contrairement à ce qu’affirment de nombreux antiféministes, ce modèle n’est pas naturel, ni équilibré et n’est le résultat que d’une construction sociale, qu’il faut défaire ou pas, selon les choix de chacun.


Pour conclure, cet article n’a pas pour but de faire la morale à qui que ce soit, et ne fait pas figure d’autorité, il ne doit vous aider qu’à démarrer une réflexion sur les inégalités salariales et plus généralement sur la question de l’égalité au travail. Le débat restant ouvert, chacun reste libre de donner son avis sur la question, et ce, bien sûr, dans le respect de chacun.


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According to a study by the APEC (Association for the executive's employment) in 2020, women executives earned 8% less than their male counterparts "with equivalent profile and position" and would have only been 35% to receive a salary increase against 40% for men, while usually, the volume of increases is almost identical between the two genders.


This discrepancy is explained in particular by the health crisis and the successive lockdowns which have increased the inequalities between men and women in housework, and in particular in childcare with the schools closing. Women have often taken these additional responsibilities on, while trying to remotely work at the same time, which has left them with less time to devote to their careers and thus qualify for promotions. In fact, a recent study by the Boston Consulting Group, entitled Crise de la Covid-19, un retour en arrière pour la parité hommes-femmes au travail ? or “Covid-19 Crisis: A Setback for Gender Equity in the Workplace”, highlighted the negative impact that lockdowns have had on professional lives, and on women's lives in particular.


First of all, we need to define what we mean by wage inequality, because this notion is too often mistaken with salary discrimination. Inequality of pay between men and women refers to the idea of an overall difference in income received between men and women, in a gross way, without distinguishing the level of training, experience or business sector. Salary discrimination concerns the wage gap between a man and a woman, all things being equal (same profile, same skills, same position, etc.), and would only be linked to the person's gender. And yet, this slight difference is fundamental, because if it is easy to evaluate an inequality with figures and statistics, it is much more difficult to evaluate a discrimination strictly speaking. As Stéphane Jugnot, a statistician and economist at the Institut de recherches économiques et sociales (Ires) (the Institute of economic and social research in english), rightly says, "inequality can be measured, but discrimination can be observed".

There is no lack of sources for reckoning wage inequality, for example French government figures, which estimates that "on average, men earn 25% more over their entire career, and 9% more for equal work". The Ministry of Labor therefore deduces that "there is still a 9% unjustified wage gap between women and men". However, the most known studies on the subject, which are also the subject of strong criticism each time they are published, are still the ones from INSEE. In 2020, INSEE estimated the overall wage gap at 28.5% and 5.3% in "full-time equivalent for the same job" (Wage gaps between men and women; especially the effect of time at work and the job occupied, INSEE).


Finally, a study by Korn Ferry (an international consultancy firm for the management of talents and organizations), published by The Economist on August 1st, 2017 reported a 17% wage gap on the overall and 3% for "equal positions and all equal characteristics" (Are women paid less than men for the same work?, The Economist). This is much lower than the 9% of the Ministry of Labor and the 5.3% of INSEE for the same position and skills.


Many factors can explain these wage gaps, such as the overrepresentation of women in part-time contracts. Indeed, in France, "among the 4.9 million part-time jobs, 3.8 million - or 76% - are occupied by women, a proportion that has slightly fallen since the end of the 2000s when it reached 82%" (L'emploi en temps partiel plafonne, Centre d'observation de la société or the part-time job reaches its limit in english). Nevertheless, among the women who have selected a part-time work, 33% of them did "to take care of children or another family member" and 16% to "have free time or do housework". Thus, almost half of the women working part-time opted for this type of contract in order to preserve their family balance and take care of their home. Moreover, according to a 2010 INSEE study, women do most of the housework and parenting - 71% and 65% respectively. (Le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d'évolutions en 25 ans, INSEE or The domestic and parental time of men and women : what factors of evolution in 25 years). Moreover, according to more recent figures from the Observatoire des inégalités dating from 2017, "49% of women indicated that the birth of their first child had an impact on their job and 61% for the second. Among men, the proportions are 14% in both cases. In particular, 24% of women have gone part-time, compared to 2% of men." (Tâches domestiques : L'égalité progresse dans les jeunes couples, L'Observatoire des inégalités, Domestic tasks: equality is progressing in young couples).


Another factor can also enlighten the wage gap between men and women. It is the choice of sectors in which men and women are most represented, as well as the positions they hold. Thus, in 2017, despite their higher level of study (Equality and the fight against discrimination, Ministry of Higher Education), women hold less qualified positions than men and there were only 15% of female executives compared to 21% of male executives. Furthermore, in the overall, "the jobs the most feminized tend to be less profitable : in 2012, the average net hourly wage of so-called 'female' professions was nearly 19% lower than 'male' professions"; (Les inégalités professionnelles entre femmes et hommes, DARES, the professional inequalities between men and women).


Nevertheless, these simple observations still do not explain the underlying reasons why women choose lower-paying sectors and positions, and in no way justify the wage gap. As it is not because we can explain a phenomenon that it is necessarily justified, and it is very important to emphasize it. It is for this reason that no matter the various figures on wage discrimination put forward by different organizations, the simple wage gap observed largely justifies that we look at the causes behind the unequal access to positions with responsibilities (and therefore the best paid in companies) and the unequal distribution of men and women in highly remunerative sectors such as finance. For that matter, a recent study conducted by two professors from ESSEC Business School, François Longin and Estefania Santacreu-Vasut, entitled "Is Gender in the Pocket of Investors? Identifying Gender Bias Towards CEOs with a Lab Experiment," looks at the potential gender bias and reactions that women may experience when designated to the position of CEO, thereby limiting their chances of being promoted to that position.


It is extremely important to note that no model is perfect and that every study can be submitted to criticism, especially when it comes to pay discrimination. While throughout this article we have focused on the gross wage gap, which is hardly questionable, and have been able to identify explanations (not justifications) for it, it is important to return to the notion of wage discrimination, which often comes up when discussing wage inequality. Unfortunately, it does exist, and it is a reality that cannot be denied, even though it is obviously not systematic. It is enough to look at the news and in particular the case of a former employee of the SNCF who filed a complaint for salary discrimination, because she claimed that she was paid less than her male counterparts who graduated at the same time as her, for the same position and without any valid reason. Her academic and professional background was compared to the one of seven of her male colleagues, revealing real wage discrimination. (La SNCF condamnée en appel pour discrimination envers une ancienne employée, the SNCF condemned in appeal for discrimination against a former employee, Europe 1)


Moreover, it is imperative to remember that discrimination can occur before the first permanent contract and therefore not be reflected in statistics and studies on wage discrimination, especially in the choice of training which guides one's entire professional life (i.e., the reasons why women turn more easily to this or that sector, and/or a less remunerative job). For example, we must ask ourselves why very few women choose certain training courses, such as engineering, or all very scientific programs. Is it a real biological affinity linked to tastes and interests acquired at birth or the result of a gendered and sexist education? Can women really go for an ambitious career by reaching the highest positions, when they are told all day long that a careerist woman is necessarily a selfish, cold woman who is destined to be unhappy because she has not privileged a quiet family life? Aren't all the character traits that we appreciate in men exactly those that we hate in women?


It is obvious that everyone remains free to make decisions for their own life, especially when it comes to their career, and it is not a question here of belittling the work of stay-at-home women or men, but more about questioning the legitimacy of a patriarchal model, probably obsolete, in which the woman will always be the first to give up an ambitious career to take care of her children. Because no, contrary to what many antifeminists claim, this model is not natural, nor balanced, and is only the result of a social construction, which can be undone or not, according to each person's choices.


To conclude, this article does not aim to lecture anyone, and is not a figure of authority, it should only help you to start thinking about salary inequalities and more generally about the issue of equality at work. The debate remains open, and everyone is free to give their opinion on the issue, and this, of course, with respect for everyone.



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